L’ interview

Alain Moueix nous explique “qu’en 2022, nous avons connu un été sec et chaud, je crois qu’il faudra s’y habituer à l’avenir. Nous avons eu un épisode de canicule fin Juin, moment où les baies grossissent et cela a donc eu une incidence sur la taille des raisins. Au Château Fonroque, nous avons fait de beaux vins grâce à une belle récolte, un volume cohérent. La vigne n’a pas souffert car nous avons un terroir composé d’une part d’un plateau calcaire, l’humidité remontait par capillarité et d’autre part de sols argilo-calcaires. C’était le deuxième millésime dans notre nouveau cuvier et nous avons pu tester cet outil et en mesurer toute l’excellence. Grâce à cet équipement performant nous pouvons vraiment exprimer le meilleur de chaque parcelle. Nous débourbons les moûts tous les soirs, nous sortons tous les jus de la journée de vendange, on peut les refroidir et laisser débourber toute la nuit. Cela permet d’éliminer les baies qui ne sont pas assez mûres, tout ce qui est végétal… Ainsi nous pouvons élaborer des vins plus précis avec plus d’éclat dans le fruit. Pour parer à la chaleur, nous avons pris des précautions certes, mais rien de bien nouveau, cela fait des années que nous avons arrêté d’effeuiller pour conserver de l’ombre aux raisins. Nous venons de planter une parcelle très graveleuse et nous adaptons le porte-greffe méditerranéen afin que les vignes résistent mieux au changement climatique. Nous ne changeons pas notre cépage qui est notre identité, le Merlot, il est critiqué car il est plus sensible au stress hydrique mais je le trouve formidable. Pour le 2022, je n’ai pas tellement modifié les dates de vendanges, nous récoltons toujours ici à juste maturité et non à surmaturité. Il y avait des différences significatives de maturité en fonction des sols, il a fallu prendre des risques à la vendange, s’arrêter, reprendre… Il y a des années où tout est mûr en même temps, ce n’était pas le cas en 2022, il y avait de grosses variations. Ce fut donc des vendanges étalées, ce qui n’est pas inintéressant, avoir cette souplesse avec les vendangeurs ce n’est pas toujours évident, mais on s’adapte !

Le vin

Splendide Saint-Émilion GCC Château Fonroque 2020, 86% Merlot et et 14% Cabernet franc, mêlant finesse et richesse aromatique, une bouche suave et veloutée, délicatement parfumée (fruits rouges surmûris, poivre), un vin ample, d’une belle finale dense et soyeuse.

Le 2019 est dans la lignée, tout en bouche, fin et gras, bien charnu, un vin très parfumé (violette, cerise noire), avec une belle matière, velouté et dense, qui poursuit sa belle évolution.

Remarquable 2018, très classique un vin de bouche puissante, corsé et équilibré, parfumé (griotte, fraise des bois, humus…), associant finesse et concentration, d’une belle finale, parfait sur un chaudfroid de cailles ou un pintadeau truffé.

Le 2017 est généreux, de teinte grenat soutenu, dense au nez comme en bouche (cassis, cannelle), bien équilibré avec ses tanins soyeux, idéal aujourd’hui sur une selle d’agneau en persillé de truffe ou une côte de veau aux morilles.

Quant à ce 2016, il a une belle couleurrubis profond, avec des arômes de fruits rouges mûrs, d’épices et de vanille, c’est un vin ample, d’un remarquable équilibre en bouche, avec beaucoup d’ampleur, idéal notamment, avec un tournedos Rossini ou un hachis d’agneau et purée de pommes de terre.