Millesimes

Les trésors de Bordeaux

Les meilleurs vins de Bordeaux

Dans la rĂ©gion, les situations, trĂšs diffĂ©rentes, voire opposĂ©es, existent dans beaucoup de vignobles : il y a une “crise”, dĂ©sastreuse pour ceux qui la subissent, qui touche certains viticulteurs, la plupart Ă©tant dĂ©pendants des prix trop bas du tonneau, qui ont du mal Ă  se faire rĂ©munĂ©rer correctement. Les causes sont complexes (un certain nĂ©goce peu solidaire parfois, une politique de plantation trop importante, des barriĂšres Ă©tatiques
). Ils mĂ©ritent d’ĂȘtre soutenus, et l’on fera ce que nous pouvons pour les aider. C’est une crise sociale.

L’autre crise concerne un bon nombre de vins, Ă  Bordeaux, notamment : trop chers ou trop sensibles Ă  la mode (“vins de garage”), trop endormis sur leurs lauriers, trop imbus d’eux-mĂȘmes, alors que le respect des consommateurs (proposer un vrai rapport qualitĂ©-prix cohĂ©rent) est impĂ©ratif. Les acheteurs se sont sentis lĂ©sĂ©s. On parle beaucoup trop d’argent, de prix, de bonnes notes glanĂ©es n’importe oĂč, alors que, bien sĂ»r, ceci ne concerne qu’une petite minoritĂ©. C’est une crise de confiance, et, en mĂȘme temps, une crise d’identitĂ©, tant un bon nombre de vins ont perdu leur spĂ©cificitĂ©. 

Pourquoi payer une bouteille Ă  50 ou 200 € quand on peut trouver du plaisir dans une bouteille 4 Ă  10 fois moins chĂšre. Et il y a encore beaucoup trop de vins “confiturĂ©s”, sans Ăąme ni vertu, qui font tort Ă  la grande spĂ©cificitĂ© bordelaise. Pour faire ces “vins”, on rĂ©colte des raisins surmaturĂ©s, on concentre Ă  outrance (avec des concentrateurs) lors des vinifications, on met le tout dans des barriques oĂč le bois peut, sur demande auprĂšs des tonneliers, vous donner le goĂ»t que vous recherchez (de la vanille, du sirop, de la confiture
), et on vous sert un vin Ă  la limite de l’écƓurement, noir comme de l’encre, gras comme de l’huile et parfumĂ© comme votre bureau en bois. 

– Si les vins du MĂ©doc sont rĂ©putĂ©s, ce n’est pas pour ĂȘtre des vins intouchables Ă  cause de leur prix ou des micro-cuvĂ©es qui n’existent que pour rafler de bonnes notes Ă  des concours et ne correspondent plus Ă  la grande tradition mĂ©docaine. Ces pratiques sont une honte pour la majoritĂ© des grands vins de la rĂ©gion, qui sont des vins fermĂ©s dans leur jeunesse, typĂ©s par leur terroir, et qui demandent d’évoluer dans le temps pour s’exprimer, en fonction de chaque millĂ©sime, respectant ainsi la nature. La force du terroir est la base de tout. 

Les autres sont sans intĂ©rĂȘt, et les prix sont souvent dĂ©ments. 

– À Pomerol et Lalande-de-Pomerol, il y a des vins splendides, trĂšs typĂ©s par le Merlot qui se plaĂźt Ă  merveille dans ces territoires diversifiĂ©s. Il faut noter que, les exceptions et les excĂšs confirmant la rĂšgle (on peut aller de 10 Ă  1.000 ĂŽ la bouteille), les vins bĂ©nĂ©ficient d’un rapport qualitĂ©-prix-typicitĂ© justifiĂ© par la convivialitĂ© et l’amour du vin. 

– À Saint-Émilion, on reste dans les histoires de clochers, avec beaucoup trop de frime. Outre un Classement “officiel” qui fait plutĂŽt sourire, faisant “monter” certains crus pour le moins incongrument et discrĂ©ditant d’autres qui ne le mĂ©ritent vraiment pas, on ne peut aussi qu’ĂȘtre déçu par des vins totalement “fabriquĂ©s”, vinifiĂ©s par ceux qui croient avoir la “science infuse” et veulent nous faire croire qu’en mettant un vin “200 % en barriques neuves” ou en multipliant les manipulations Ɠnologiques, les concentrations et des “essais”, on sait faire du vin ! Ceux-lĂ  se moquent des amateurs et des autres vignerons de l’appellation que nous dĂ©fendons, qui savent trĂšs bien s’il faut mettre 10 %, 20 %, 30 %, 50 % de leurs vins en barriques neuves, ou moins, ou plus, selon la force du millĂ©sime et la structure du vin. On ne fait du bon vin, et a fortiori un grand cru, que sur des terroirs propices, de la “crasse de fer” aux argiles profondes, assortis de dĂ©pĂŽts marins ou d’alios. Gare Ă  certains prix, totalement injustifiĂ©s. 

– Les meilleurs vins de Montagne, Puisseguin, Lussac ou Saint-Georges se retrouvent dans le Classement des “Satellites” de Saint-Émilion, et proviennent de terroirs spĂ©cifiques, limitrophes ou rapprochables d’autres sols d’appellations plus prestigieuses, ce qui leur permet de devenir de grands vins Ă  part entiĂšre. 

– Bien que certains tentent de les mĂ©langer, les deux appellations Canon-Fronsac et Fronsac partagent Ă  la fois des diffĂ©rences et des similitudes. 

-Pour les Graves, il existe une variĂ©tĂ© importante de styles de vins. Cela va des crus rĂ©ellement (et historiquement) exceptionnels, issus des territoires de Pessac, Martillac ou LĂ©ognan, mais aussi ceux de Podensac ou Portets, certains d’entre eux, dans les appellations Pessac-LĂ©ognan comme dans celle des Graves, bĂ©nĂ©ficiant d’un remarquable rapport qualitĂ©-prix-plaisir, d’autres crus atteignant des prix difficilement cautionnables. C’est Ă©videmment le berceau des grands vins blancs de la rĂ©gion bordelaise. 

– Dans les appellations de CĂŽtes, qui se cherchent toujours, il s’agit de choisir entre les vins typĂ©s comme nous les aimons, et d’autres cuvĂ©es trĂšs spĂ©ciales, dĂ©personnalisĂ©es (Ă  ne pas confondre avec les cuvĂ©es de prestige retenues), faisant la part belle Ă  des vinifications trop sophistiquĂ©es, peu propices Ă  mettre un terroir en avant, s’il existe. 

– En Bordeaux SupĂ©rieur et Bordeaux, les progrĂšs sont rĂ©guliers depuis plus de trente ans, et, loin de la dĂ©mence des prix de certains autres “cuvĂ©es SpĂ©ciales”, on savoure de nombreux vins remarquables pour leur rapport qualitĂ©-prix-plaisir. La plupart des propriĂ©taires retenus Ă©lĂšvent aussi de trĂšs jolis Bordeaux blancs et rosĂ©s qui commencent Ă  s’imposer 

– À Sauternes (et Barsac), l’équilibre gĂ©ologique et climatique de la rĂ©gion en fait un milieu naturel idĂ©al pour cette fascinante biologie qu’est le Botrytis cinerea. Attention au passerillage, qui n’a rien Ă  voir avec le Botrytis… 

– En Liquoreux, les appellations situĂ©es face Ă  Sauternes, recĂšlent de vins onctueux, qui ont du mal Ă  se faire un nom, pourtant d’un trĂšs bon rapport qualitĂ©-prix-plaisir.

 

 

Le terroir

MĂȘme si les terroirs ont une rĂ©elle influence, en ce qui concerne la notoriĂ©tĂ© des crus, la “fameuse” classification de 1855 du MĂ©doc a Ă©tĂ© faite par le nĂ©goce de l’époque en fonction des sols (certes), mais aussi de la valeur marchande de tel ou tel cru. C’est la raison pour laquelle les vignerons libournais n’avaient pas eu droit aux mĂȘmes faveurs, Ă©tant considĂ©rĂ©s comme des “paysans”. 

Par exemple, un cru “classĂ©â€ peut acheter un autre cru et tout faire passer sous le mĂȘme nom… Autrement dit, un chĂąteau classĂ© TroisiĂšme (par exemple) peut doubler sa superficie sans que sa place de classement soit remise en cause. C’est le chĂąteau qui reste classĂ© et non le terroir ! Vous ne risquez pas de trouvez cela ailleurs. Comprenons-nous bien : il y a des vins formidables dans le MĂ©doc, rares et racĂ©s, et d’autres qui ne valent ni leur prix ni leur renommĂ©e ancienne, ceci pouvant expliquer le manque d’engouement de consommateurs avertis. Et, bien sĂ»r, les sols ont une grande influence, graves garonnaises Ă  Saint-Julien, quartz et cailloux roulĂ©s Ă  Saint-EstĂšphe, croupes de graves maigres Ă  Pauillac, graviers et cailloux Ă  Margaux, formation caillouteuse en MĂ©doc.  

En revanche, la rĂ©gion saint-Ă©milionnaise pourrait avoir une classification des sols aussi prĂ©cise que l’Alsace et la Bourgogne (voir ces rĂ©gions). La thĂšse du Pr Van Leeuwen (que l’on peut se procurer sur le net) est la rĂ©fĂ©rence pour comprendre les sols du Libournais, notamment ceux oĂč le stress hydrique (et l’apport en azote) fait la diffĂ©rence entre un grand cru et un autre. Qui n’a pas observĂ© sa carte des sols de la rĂ©gion ne peut pas comprendre les terroirs et les diffĂ©rences entre les plateaux, coteaux, pieds de cĂŽtes et vallĂ©es… En fait, si l’on s’attachait Ă  restituer la vĂ©ritable qualitĂ© intrinsĂšque des sols, il faudrait que l’on intĂ©gre ceux de Montagne/Saint-Georges ou Puisseguin/Lussac provenant notamment de sols calcaires ou argilo-limoneux sur calcaire dur (plateaux, coteaux et pieds de cĂŽtes) Ă  ceux de Saint-Émilion qui partagent ces mĂȘmes sols, similitude oblige, alors que Saint-Émilion possĂšde aussi des sols si disparates (on va d’un sol avec nappe d’eau permanente Ă  des sols graveleux, argiles ou de calcaires). 

D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les plus grands vins se retrouvent sur des sols de calcaire Ă  astĂ©ries, qui vont du centre de la commune de Saint-Émilion, sur le plateau, puis d’une bande tout autour de sols calcaires sur molasses du fronsadais, et se poursuivent sur les zones similaires des satellites jusqu’à Fronsac. Pas mal d’autres crus se contentent de sols siliceux, de limons, de sables jusqu’à profiter de nappes d’eau permanentes… Une vĂ©ritable hiĂ©rarchie naturelle s’impose, donc, bien loin de celle d’un classement “officiel” ridicule qui fait fi de la rĂ©alitĂ© physique des territoires. 

A Pomerol, ce sont des graves de surface plus ou moins compacte ou sablonneuse, et un sous-sol comportant des oxydes de fer, appelĂ©s rĂ©gionalement “crasse de fer”, qui assurent aux vins leur personnalitĂ©. A Lalande-de-Pomerol, le sol est argileux ou argilo-graveleux Ă  l’est, graveleux au nord, puis de plus en plus sableux vers l’ouest. 

Pour les Graves et Pessac-LĂ©ognan, la terre est graveleuse (le mot “graves” vient de lĂ ), pauvre, mais secourue par un climat adĂ©quat. Les graves de Pessac-LĂ©ognan reposent sur un sous-sol d’argile, de sable, d’alios, de calcaire et de faluns. 

Et la qualitĂ© entre d’autres vins d’appellations (CĂŽtes, Bordeaux SupĂ©rieur) vient aussi, trĂšs souvent, d’une diffĂ©rence fragrante de sous-sols. Dans les appellations de CĂŽtes, on peut passer du sublime au vin “dĂ©personnalisĂ©â€, selon les expositions, les sols, la complĂ©mentaritĂ© des cĂ©pages… et la main de l’homme. Les propriĂ©taires talentueux se dĂ©marquent aisĂ©ment des autres, et c’est ainsi depuis des dĂ©cennies. De Cars Ă  Tauriac, de Lestiac Ă  Saint-Magne-de-Castillon, Les meilleurs signent de beaux vins de caractĂšre, puissants ou soyeux, vifs ou suaves, et c’est tant mieux. DĂ©nommĂ©e la “Suisse girondine” Ă  cause de son relief accidentĂ© qui ondoie de coteaux en vallons, la rĂ©gion de Bourg est baignĂ©e par la Dordogne. Pour les Bordeaux SupĂ©rieur et Bordeaux, tous les vins ont leur propre personnalitĂ©, selon leur terroir (on ne produit pas les mĂȘmes crus dans la rĂ©gion libournaise ou dans celle de l’Entre-Deux-Mers) et leur Ă©levage. 

Domaine Schaeffer-Woerly cuvier

La qualité des millésimes

Pour Bordeaux, les meilleurs Ă  boire aujourd’hui : 2017, 2014, 2012, 2011, 2008, 2007, 2006, 2004, 2002 et 2001. Ceux qu’il faut encore attendre : 2018, 2016, 2010, 2009, nĂ©anmoins plus rapide Ă  boire. Les plus dĂ©cevants, car trop “chauds”, atypiques : 2015, 2013, 2005 et 2003. 

Il y a bien sĂ»r une diffĂ©rence entre les vins de la rive droite (ceux du Libournais) et ceux de la rive gauche (MĂ©doc et Graves). On retrouve des “paires” de millĂ©simes oĂč la qualitĂ© est inversĂ©e : le 2005 est bien meilleur que le 2006 Ă  Saint-Emilion et c’est le 2006 qui prime en MĂ©doc. Il y en a d’autres, notamment 2016 pour le MĂ©doc, 2015 pour le Libournais ou 2003-2002… 

– Dans le MĂ©doc, misez sur les 2017, 2016, 2014, 2012, 2011, 2010, 2009, 2007, 2006, 2004 et 2002 (supĂ©rieur au 2003), voire 2001, trĂšs classiques, et faites-vous toujours plaisir avec les 1999, 1996 ou 1990. En parallĂšle, les prix trĂšs exagĂ©rĂ©s de certains vins renommĂ©s sont difficilement cautionnables, surtout pour les 2013 et 2005. 

Pomerol et Libournais. Structure, charme, intensitĂ©, distinction, les plus grands vins de Pomerol sont particuliĂšrement sensibles et marquĂ©s par leurs sols, trĂšs diversifiĂ©s. Ici, nul besoin de s’escrimer Ă  vouloir abuser de la barrique neuve ou d’une surconcentration pour faire un grand vin, c’est le terroir qui prime, et signe la distinction. Les 2017, 2015, 2014, 2011, 2010, 2009, 2007, 2006, 2004, 2003 et 2002 sont trĂšs savoureux (le 2002, peut-ĂȘtre mĂȘme supĂ©rieur), le 2001 remarquable, plus fin, le 2000 parvient Ă  maturitĂ©. Le 2013 se maintient, certes beaucoup moins intĂ©ressant que le 2012. Plus anciens, les grands font la diffĂ©rence, comme le 1995, voire le 1990. 

– À Saint-Émilion et ses appellations Satellites, les 2014 et 2011 sont trĂšs classiques et charmeurs, comme le 2007. Le 2013 n’a pas beaucoup d’intĂ©rĂȘt. Beaux millĂ©simes 2018, 2016, 2015, 2010 et 2009, le 2008 un ton en-dessous, 2006, 2004 et 2001, Ă©clipsĂ©s Ă  tort par le 2005 ou le 2003. Quelques crus ont remarquablement rĂ©ussi le 2003, d’autres beaucoup moins, notamment ceux qui sont trop “confiturĂ©s”. DĂ©bouchez les millĂ©simes 2007 Ă  1990 en ce moment, et notamment le grandissime 1995. Certaines bouteilles de 1994 et 1993, notamment, sont surprenantes d’évolution. Un certain nombre de crus pratiquent des prix qui ne sont pas justifiĂ©s. Certains se flattant ici d’élever des cuvĂ©es trĂšs “spĂ©ciales”, il faut plus que jamais tirer un coup de chapeau aux propriĂ©taires de talent qui Ă©lĂšvent les vĂ©ritables grands vins de Saint-Émilion, satellites compris, du plus grand des grands crus au plus modeste. 

– Dans les Graves et Pessac-LĂ©ognan, 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2011, 2010, 2009, 2008, 2006 sont excellents, en blancs comme en rouges. Issus des territoires de Pessac, Martillac, LĂ©ognan, mais aussi ceux de Podensac ou Portets, dans l’appellation Pessac-LĂ©ognan comme dans celle des Graves, bĂ©nĂ©ficiant d’un remarquable rapport qualitĂ©-prix-plaisir. C’est le berceau des beaux vins blancs de la rĂ©gion bordelaise, aux cĂŽtĂ©s de rouges puissants et typĂ©s, si l’on frappe Ă  la bonne porte. Attention nĂ©anmoins Ă  des prix incautionnables de certains vins de Pessac-LĂ©ognan. 

– Dans les CĂŽtes et Bordeaux SupĂ©rieur, on peut acheter les millĂ©simes 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2012 Ă  2006, avec l’opportunitĂ© des excellents 2012, 2011 et 2008. Les meilleurs tiennent la distance avec les millĂ©simes 2009 ou 2006. 

– Pour Sauternes et les Liquoreux, privilĂ©gions la finesse au cĂŽtĂ© sirupeux, prĂ©fĂšrons la fraĂźcheur Ă  la liqueur. Ici, les millĂ©simes 2017, 2016, 2011 et 2007 sont formidables, dans la lignĂ©e du 2001. Plusieurs millĂ©simes, en dehors du 2002 (oĂč le plaisir est bien rare), comme les 1999 ou 1998 sont de toute beautĂ©. Le 2006 est trĂšs rĂ©ussi, les 2012, 2005 et 2003 certainement moins intĂ©ressants, et le 2004 particuliĂšrement savoureux et classique.

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